An Brouckmans : « La TV n’a pas remplacé la radio. Alors, pourquoi les magazines disparaîtraient-ils ? »

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Ils servent d’enseigne à leur titre, posent invariablement sur lui un regard à 360° et ont une opinion tranchée sur le paysage magazine. Les rédacteurs en chef sont les plaques tournantes d’un magazine. Nous les avons sondés pour cerner leur vision. Cette fois, c’est au tour d’An Brouckmans, rédactrice en chef de Feeling et de Gael chez Roularta.

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« Pour moi, créer un magazine, c’est comme préparer de bons petits plats », raconte An Brouckmans en réponse à la question pourquoi cela fait maintenant plusieurs décennies qu’elle se charge du rôle de rédactrice en chef. « On dispose d’une série d’ingrédients dont on se sert pour créer la concoction idéale. Moi-même, ça fait des années que, ce faisant, j’ai eu la chance de voir passer sous mes yeux les plus belles choses de la vie. Mes intérêts personnels vont du lifestyle à des sujets plus lourds comme les relations et la philosophie. Chaque jour, je me crois dans une plaine de jeux. Une plaine de jeux, en outre, qui tous les jours prend une autre apparence. »

Des maisons d’édition fortes et des journalistes bien formés

C’est cette énergie qui fait que, systématiquement, Feeling et Gael se comportent mieux que le marché, mais nous y reviendrons. An Brouckmans est en effet très positive au sujet du marché magazine global en soi. « Aucun canal n’a jamais disparu », affirme-t-elle. « La radio ne s’est pas éclipsée quand la TV est apparue. Les journaux ne se sont pas éclipsés quand Internet est arrivé. Le fait que de nos jours bon nombre d’influenceurs misent résolument sur un livre, est à mes yeux le plus bel exemple de la puissance du papier. »

Si le papier n’existait pas, il faudrait l’inventer, estime la rédactrice en chef. Selon elle, le fait qu’un magazine a un début et une fin, qu’on peut le lire partout et qu’on est en mode relax  est inégalable.

À ses yeux, la situation en Belgique aussi est favorable. An Brouckmans : « Nous avons une tradition de maisons d’édition fortes et nous disposons de journalistes bien formés. » Ajoutez à cela l’importance de sources fiables suite à la déferlante de fake news et il est clair que les magazines sont en mesure de profiter d’un ‘momentum’. C’est aussi ce qui semble se produire pour Feeling et Gael…

+8 % en 2020

An Brouckmans est rédactrice en chef des magazines lifestyle féminins de Roularta depuis 2013. Son palmarès est toutefois bien plus impressionnant encore : depuis le début des années ’90, elle a occupé un tas de postes de rédaction en chef, toujours au sein de titres féminins, à commencer par… Feeling. Son rôle actuel est donc un retour aux sources, où tout a commencé pour elle (en tant que rédactrice en chef).

Dans les 8 ans qu’elle a (re)pris les magazines sous son aile, elle leur a imprimé une dynamique qui a surtout valu à Feeling de croître. « Grâce au corona et au fait qu’on s’est mis à lire plus, les ventes de Feeling ont progressé de 8 % l’an dernier », explique An Brouckmans. « Gael est resté stable, faisant mieux que le marché. Cette année, Feeling est parvenu à conserver son avance. Nous nous sommes retrouvés chez plus de gens, dans leur foyer. Ceux-ci continuent à se référer à Feeling, et j’en suis très heureuse. Gael a enregistré un petit recul cette année, mais fait une nouvelle fois mieux que la tendance du marché. »

Le mix, la couverture et le marketing

Les magazines se posent ainsi en modèle de stabilité dans un paysage sous pression. Selon An Brouckmans, il y a trois raisons majeures à cela : « Tout d’abord, il y a le mix. Au niveau du contenu, nous veillons à proposer un tas de récits intéressants, tant lifestyle que davantage d’intérêt humain. Grâce à une planification en béton, nous cherchons chaque mois à disposer d’une offre irrésistible. À côté de cela, il y a la politique de couverture. Nous associons une image percutante à un gros titre mémorable et des sous-titres forts. Enfin, il y a la collaboration entre la rédaction et le marketing. Nous mettons régulièrement sur pied avec des partenaires des actions qui, moyennant un supplément, permettent d’acheter des produits en complément au magazine, correspondant vraiment à notre ADN. Ce sont ces trois éléments qui, chaque mois, convainquent nos lecteurs de repasser le pas de la porte. »

Deux tiers de ces lecteurs achètent toujours le magazine en vente libre, même si, ces dernières années, le nombre d’abonnés est en hausse grâce au focus fort porté sur les abonnements par Roularta.

Une empreinte élargie

Ces dernières années, tant Feeling que Gael sont de plus en plus devenus des marques, que l’on retrouve sur différents supports. Dans ce contexte, l’on-line constitue un pilier important. Ainsi, l’équipe on-line compte déjà cinq collaborateurs et les lecteurs peuvent trouver des contenus supplémentaires derrière un datawall. « N’oubliez pas non plus, dans ce cadre, l’appli ‘Mes Magazines’ de Roularta », ajoute An Brouckmans. « Quiconque a un abonnement à un de nos titres, se voit offrir l’accès aux contenus des autres magazines. »

À coups d’événements à petite échelle et du magazine supplémentaire Feeling Gold, récemment rebaptisé Feeling City, Feeling Home et Feeling Kust, Feeling élargit systématiquement son empreinte. De temps en temps, des événements s’organisent aussi dans le sud du pays. Il s’agit coup sur coup d’éléments constitutifs des marques Feeling et Gael…

An Brouckmans
An Brouckmans, rédactrice en chef de Feeling et de Gael chez Roularta

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