Chronique de Carl Andry : Et maintenant, une page de publicité magazine

Carl Andry (ESA le 75)

Le 31 mars aura lieu la finale de StuMPA. Les étudiants tenteront de convaincre un jury expérimenté de l’originalité de leur approche du magazine. Carl Andry, enseignant à l’ESA le 75 et l’un des membres du jury, s’interroge sur la valeur ajoutée de ce concours pour les jeunes.

Depuis des années déjà, tout le monde assène que tout a changé. La société, le métier, les médias, la consommation, les jeunes, les moins jeunes, les vieux, … les magazines.

Dans le monde d’après, dans celui d’aujourd’hui donc, les loisirs ont pris une place encore plus importante dans nos vies. L’information s’est déplacée et ne se consomme plus de la même façon, ou se consomme de bien des façons.

Mais au fond est-ce nouveau ? Tout, les médias y compris, n’a-t-il pas toujours été en constante mutation ?

Si on veut chercher des paradigmes réellement nouveaux ou différents, on les trouverait peut-être du côté de la virtualité qui a considérablement augmenté dans les 24 heures qui font nos journées, et majoritairement via des écrans. Beaucoup de nos occupations sont maintenant impalpables, abstraites, offline, offlive.

Le magazine, lui, est fait de papier, d’encre, de toucher, d’odeurs, d’expériences multisensorielles qui nous ramènent à la réalité, tout en développant notre imaginaire. Le magazine c’est du concret. Et c’est en même temps infiniment cérébral et affectif. C’est un média bien singulier.

En même temps, il est aussi un média qui peut compléter d’autres médias, faire partie d’un mix media off et/ou online, créer des sensations interactives croisées plus complexes.

Comment les plus jeunes perçoivent-ils ce média ? Comment le consomment-ils ? Le consomment-ils d’ailleurs encore ? Peuvent-ils aujourd’hui l’imaginer comme moyen de se divertir, de s’informer ou de convaincre les gens à qui ils vont s’adresser quand ils seront à notre place face aux briefings des annonceurs ? Et surtout pourquoi le sélectionneraient-ils comme tel ?

Nous sommes peut-être à la meilleure place pour tenter de le leur expliquer, mais aussi pour comprendre ce qu’ils pourraient en faire, ce qu’ils voudront bien en faire.

Ce concours StuMPA est intéressant à plus d’un titre car il permet à nombre d’opérateurs dans le secteur des médias, de la communication et de tous ceux qui gravitent autour d’évaluer les réels atouts de ce média. Pour faire un état des lieux. C’est un peu une jauge, sans doute sévère, mais spontanée et sincère, d’un produit d’édition vu à travers les yeux de la prochaine génération.

Nous, professeur.e.s, publicitaires, journalistes, annonceurs, … sommes autant des vigies que des ambassadeurs de ce média. Et si celui-ci est de nos jours moins consommé par les plus jeunes, nous pouvons encore le leur rappeler à leur mémoire, mais aussi le décortiquer avec eux pour qu’ils puissent le maîtriser plus efficacement lorsqu’ils s’en serviront pour communiquer vers d’autres cibles plus attachées qu’eux à ce support.

Ce concours est également un signal pour les éditeurs. Le magazine existe dans de multiples formats – papier, mais aussi télé, radio ou digital. Alors on peut se poser la question de ce qui fait un magazine. Et au fond, quel que soit son mode de diffusion, la réponse est simple : ce qu’on y trouve. La qualité de son contenu. Sa pertinence, sa nouveauté, son originalité, sa singularité.

Et donc, si le contenu n’est pas suffisamment intéressant, s’il ne répond pas aux attentes des lecteurs qu’il veut toucher, s’il ne les captive pas, s’il les prend pour des pommes, et bien ceux-ci s’en désintéresseront. Et attention à la manière putassière d’intéresser, ou à la façon économique de recycler du contenu, ce sont aussi des causes de désintéressement et d’abandon du support. Quand tout paraît gratuit, le payant ne peut se permettre d’être tiède ou décevant.

L’amour ou l’abandon de la presse magazine ne dépend donc pas seulement de son environnement concurrentiel et des nouvelles façons digitales d’accéder à nos contenus préférés.

A l’heure où les investissements média des annonceurs sont majoritairement consacrés au digital, l’être humain (et encore plus le jeune être humain) fonctionne toujours avec des rituels, des communions autour d’intérêts et de valeurs partagées, des communautés, des parenthèses d’introspection, le désir de se sentir important aux yeux de ceux qui s’adressent à lui. Pour tout cela, le magazine est un outil incroyablement puissant s’il est bien construit. Et par conséquent, bien utilisé par les communicants qui y (re)verront un outil pour séduire les lectrices et les lecteurs qu’ils veulent conquérir.

Quoiqu’il en soit, cette année encore, avec ou sans notre intervention, les étudiantes et les étudiants qui ont participé au concours StuMPA nous ont beaucoup appris sur un média que nous aimons et qu’on espère les voir lire et aimer à leur tour.

Carl Andry  Carl Andry (ESA Le 75)

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