Chaque mois, Jorrit Hermans pose son regard singulier sur le monde des magazines et de la création. Cette fois, il nous parle de valeur. D’articles de valeur, par exemple. Plus encore, de magazines de valeur offrant une expérience de première qualité.
Je suis heureux de pouvoir clôturer l’année avec ces quelques considérations sur la valeur. C’est de saison. Permettez-moi de placer mon discours dans la perspective du sapin de Noël ! Perso, je n’aime pas être surpris. Même pas lorsqu’on me fait une surprise. Je préfère offrir quelque chose de sympa. De préférence quelque chose dont j’apprécie moi-même la valeur. Ça ne doit pas forcément être cher, mais avoir de la valeur, ça oui. Dans ce sens, valeur est synonyme de pertinence. Ou pour utiliser l’imagerie de Noël : j’estime que les décorations ne sont pas pertinentes. Mais ça, c’est une autre histoire…
Il en va de même pour le magazine. Vous avez là une publication qui achemine du contenu vers un public. Ce public, vous pourriez éventuellement le considérer comme du bétail consommateur, parfaitement heureux de ruminer l’énième article sur Sandra Kim. Ou alors, vous pourriez le traiter avec beaucoup de respect et lui proposer des contenus vraiment pertinents et savoureux, ayant une certaine valeur. Même sur des thèmes particulièrement populaires. Car la qualité n’est pas nécessairement élitiste. Je parie que cela vous permettrait même de toucher les cordes les plus sensibles et de créer de l’engagement. La valeur réside aussi dans la beauté. Mon grand-père avait un poème favori, intitulé » Endymion » de par John Keats. Tout comme vous, je n’en connais plus que le premier vers : » A thing of beauty is a joy forever « . La beauté est une batterie qui ne se décharge jamais. Ce qui est beau, nous attire. J’aime en outre toucher les belles choses. Parce qu’elles sont belles, et parce que leur contact est agréable.
Les magazines aussi peuvent être beaux. Au niveau international, je pense alors à Kinfolk Magazine ou à Flow. Des publications de qualité avec un potentiel de conservation. Des titres dont on ressent instinctivement qu’il serait dommage de les balancer avec le vieux papier après les avoir lus. Combien de magazines connaissez-vous qui suscitent ce sentiment ? Cette autorité silencieuse veillant sur leur potentiel de conservation. Voilà ce qu’une publication de première qualité parvient à dégager sans le moindre problème. Voire, sans le moindre spot publicitaire.
Le papier est en outre plus facile à transformer en qualité que les pixels. Parce qu’il est tangible, donc physique, donc immédiat. J’ose prétendre qu’un papier très lourd et plus épais permet tout simplement de vivre une expérience plus qualitative que quelque chose de fin et de lisse. Quelque chose de quasi volatile. Cela touche aux circonstances et conditions que l’on crée. C’est dans ce contexte qu’un lecteur découvre une histoire ou une photo. Car la forme aussi est contenu. Et donne de la valeur.
Jorrit Hermans, Head of Story chez Quick Brown Foxes
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