La parole aux rédacteurs en chef : Jean-Luc Cambier (Moustique)

Jean-Luc Cambier, Moustique

Les rédacteurs en chef incarnent les magazines qu’ils dirigent. Ils sont en outre très bien placés pour se faire une idée claire du segment dans son ensemble. C’est pourquoi nous avons souhaité leur consacrer une rubrique. Nous ouvrons cette série par un entretien avec l’homme qui, en août prochain, fêtera ses 17 ans aux commandes de la rédaction de Moustique : Jean-Luc Cambier.

Fort d’une carrière journalistique de plus de 30 ans chez Moustique, dont bientôt 17 ans au poste de rédacteur en chef, Jean-Luc Cambier connaît le secteur des magazines comme sa poche. Notre première question porte donc logiquement sur la magie qui rend possible une telle fidélité à un magazine. « La magie, j’aime bien ce mot, répond-il. Mais il s’agit bien sûr de tout autre chose. Le secret, c’est le travail d’équipe, qui débouche sur des résultats probants. »

Moustique cover

Cambier compare souvent l’équipe de Moustique à un commando. « Nous sommes en mission, souligne-t-il. D’un côté, chacun doit se débrouiller, de l’autre on se défend les uns les autres. C’est l’objectif qui compte, pas les règles. »

Au sujet de sa longue période à la tête du magazine, il commente : « Cela pourrait être un inconvénient, mais je pense que j’ai réussi à transformer cela en un avantage. Je comprends l’ADN de ce magazine, ce qui est immuable dans son concept. Mais je vois aussi ce qui peut et doit changer pour rester dans l’air du temps.  Et… bien sûr, l’expérience, les compétences et une bonne étoile jouent également un rôle. »

Du temps pour soi

Moustique a soufflé il y a quelques mois ses 96 bougies. Comme beaucoup de magazines, il a connu une bonne année, grâce au coronavirus. « La crise sanitaire a révélé toute l’importance de l’information, constate Cambier. Les marchands de journaux ont immédiatement été considérés comme des magasins essentiels. J’y ai vu un signal fort. »

En même temps, les magazines sont un moment privilégié pour le lecteur, un petit plaisir qu’il s’accorde chaque semaine ou chaque mois. Dans une précédente interview, il y a environ cinq ans, Cambier pointait ce « temps pour soi » comme le principal atout des magazines. Moustique a-t-il pu continuer à offrir ce plaisir ces dernières années ? « Je pense que nous y sommes parvenus, malgré certaines difficultés, répond-il. Notre audience et nos ventes ont certes baissé, mais moins que chez la concurrence. Nous devons reconnaître honnêtement que l’ensemble du marché connaît des revers. Il y a 11 ans, quand Steve Jobs a présenté la toute première tablette, tous les magazines ont cru que celle-ci était la clé de leur avenir. Entre-temps, la tablette est devenue un simple gadget et les espoirs des éditeurs de magazines se sont envolés. Nous n’avons pas encore réussi à toucher notre cible au quotidien. Il faut continuer à rechercher le bon business model. »

Néanmoins, il est convaincu que ce « temps pour soi » reste un formidable atout. « Aujourd’hui, la société nous pousse à tout faire de plus en plus vite, mais certains se révoltent contre cette tendance de fond. Les gens sont toujours plus nombreux à vouloir regarder les choses avec un certain recul. »

La vie réelle

Côté contenu, Moustique évolue tout en restant fidèle à son ADN. Ainsi, il y a dix ans, Télé Moustique est devenu Moustique tout court, d’une part pour faire écho à la multiplication des écrans, d’autre part pour souligner que le titre aborde aussi des sujets de société. « Nous voulons parler de ce qui touche les gens. De la vie réelle. Des événements qui se passent autour de nous. Des concerts auxquels on a envie d’assister. Et ainsi de suite. »

Même dans un contexte de plus en plus digital, cet ADN doit être préservé. Par ailleurs, le rôle du papier va évoluer. « Lorsque le digital se sera imposé partout, l’imprimé devra devenir un objet d’exception. Il faut donc injecter une dose supplémentaire de qualité à ce « temps pour soi ». C’est là que se joue l’avenir des magazines. »

Déménagement à IPM

Le 1er février 2021, Moustique a rejoint le groupe IPM. C’est pourquoi notre rencontre avec Jean-Luc Cambier a lieu dans la rue des Francs à Bruxelles. Ce déménagement devrait marquer la fin d’une période de turbulences pour le magazine, passé il y a quelques années des mains de Sanoma à celles de Nethys, le câblo-opérateur qui détenait également un pôle presse avec le quotidien L’Avenir.

« Nous n’en avons pas directement souffert, témoigne Cambier à propos de la période chez le câblo-opérateur. Mais ce n’était évident. La rédaction est restée à Bruxelles, mais tous les autres services travaillaient depuis Namur. »

Cambier préfère bien sûr regarder vers l’avenir. « Nous faisons désormais partie d’un véritable groupe de presse. Ils comprennent très bien ce qui s’applique à l’ensemble du secteur, mais aussi ce qui est spécifique aux différentes marques. L’avantage majeure, c’est l’expertise d’IPM en matière de digital. Sur ce point, Moustique a encore du retard à rattraper. »

Consolidation

La reprise de Moustique n’est pas le seul mouvement constaté au sein du paysage médiatique francophone. D’autres magazines ont également changé d’éditeur, avec la reprise de Ciné Télé Revue par Rossel comme fait le plus marquant. Jean-Luc Cambier en saisit la logique : « On remarque une nette tendance à la consolidation. Les principaux magazines de notre pays seront ou deviendront la propriété de quelques grands groupes. Et cela n’a rien étonnant, car la consolidation est aussi synonyme de rentabilité renforcée. Certains coûts peuvent être répartis sur plusieurs titres, ce qui permet de consacrer davantage de ressources aux investissements indispensables dans le numérique. »

Jean-Luc Cambier, Moustique Jean-Luc Cambier, Moustique

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