Les éditeurs sur l’année corona : « Une leçon clé ?  Impossible ! »

Le corona a totalement bouleversé tous les secteurs : si certains ont su l’exploiter à leur avantage, la grande majorité a connu et connaît des temps difficiles. Ce site se focalise toutefois sur le média magazine. Nous avons donc demandé à trois éditrices quel est le regard qu’elles portent sur l’année écoulée.

A lire aussi : Quel impact l’année corona a-t-elle sur les marques ?

« Une leçon clé ?  Impossible ! » Si notre tour de table parmi les éditeurs nous a appris quelque chose, c’est bien que ces dernières années les bouleversements ont été multiples : créer un magazine ou site à distance, veiller à ce qu’il y ait toujours des revenus publicitaires et de lecteurs, dans beaucoup de cas rebondir rapidement sur l’actualité au niveau des contenus…. Ensemble, les trois éditrices que nous avons interviewées ont à leur actif des dizaines d’années de création magazine, mais pour chacune d’elles aussi la situation s’est révélée un défi de taille.

Résilience

Ce qui revient chez toutes les trois, c’est une énorme résilience. « Le corona nous a beaucoup appris en tant que nouvelles, petites organisations », lance Kristine Ooms, propriétaire de De Deeluitgeverij (avec comme titres phares Eos, Bahamontes et Moteren & Toerisme). « À quel point l’adaptabilité et la résilience sont essentielles, tout comme la confiance et le respect, à quel point de fidèles collaborateurs sont bénéfiques, …. Par-dessus tout, la pandémie nous a appris à quel point notre attachement mutuel est important. Plus que jamais et en zoomant, poursuivre un même but, en acceptant les mauvaises passes et les contretemps, ainsi que le cadre professionnel et familial qui a fort changé. Mais aussi en ressentant le plaisir de réaliser quelque chose ensemble. Ce qui, durant cette crise, a parfois été perçu de façon plus consciente et comme ayant plus de valeur. »

« Je savais déjà que nous avions une équipe du tonnerre », dit Karen Hellemans, éditrice chez Roularta et rédactrice en chef de Libelle, « mais durant ces douze derniers mois nous avons vraiment ouvert tous les registres en matière de créativité et de résilience. Tout comme tant d’autres, nos journalistes et autres collaborateurs ont rarement eu l’occasion de se détendre, ils ont travaillé chez eux entourés d’enfants, etc. Ils ont cependant continué à tout donner pour leurs lecteurs et leur métier et j’en suis particulièrement fière. »

La nostalgie du lieu de travail physique

Cela étant dit, il ne faut évidemment pas oublier que la création d’un magazine est un des plus beaux exemples de travail d’équipe qui soit : d’abord, chacun fait son truc, mais à la fin tout converge. Ensemble, discuter de la couverture ; ensemble, passer en revue toute la mise en page du magazine pour vérifier si tout est à sa place ; ensemble, se lancer dans le rush de la rédaction définitive face à l’approche impitoyable de l’heure butoir… « J’entends des collègues dans les rédactions que tout se passe impeccablement sur le plan technique, mais que le manque de concertation physique commence à peser », dit Mieke Berendsen, Business Development Manager Publishing chez DPG Media Advertising.

Ce qui manque à Karen Hellemans, c’est de pouvoir circuler ‘sur le plateau’ et au-delà, où on picore des choses à droite, à gauche, où on lance un petit brainstorm vite fait, … tandis que Kristine Ooms a déjà tiré des enseignements : « Nous investissons actuellement dans une plateforme contenant un système de recherche et d’archivage pratique et une planche numérique, ce qui permet d’assurer la clarté du travail à distance. »

Essentiel

Un deuxième enseignement est lié au fait que les marchands de journaux sont considérés comme des acteurs essentiels.  Cela démontre à quel point les magazines sont importants pour les gens. « S’il y a une chose que nous avons apprise, c’est bien que les magazines et les journaux signifient vraiment quelque chose aux yeux des gens et qu’ils peuvent faire le lien entre les gens », explique Mieke Berendsen.

« Nous nous rendons plus que jamais compte de la force de nos marques », dixit Karen Hellemans. « Chez Roularta, nous y avons même associé une offre : souscrivez à un abonnement à un magazine et vous jouirez d’un accès digital illimité aux autres publications du groupe. »

Pas de business as usual

Ce qui nous amène à l’aspect business. Selon le CIM, les ventes de magazines ont légèrement régressé en 2020. Les éditeurs se montrent pourtant satisfaits. « Libelle a progressé de 1,7 % », se réjouit Karen Hellemans. « Pour le plus grand hebdomadaire, c’est toute de même une énorme performance. »

Le fait que les marchands de journaux et les détaillants soient restés ouverts, a clairement joué en la faveur des magazines, tout comme le fait que toujours plus de lecteurs ont un abonnement. Pour la première fois, les éditeurs de magazines tirent en outre aussi de l’argent de newsletters.

Bien sûr, les revenus publicitaires ont davantage souffert. « Jusqu’avant l’été, nous avons enregistrés un tas d’annulations ; après l’été, nous avons pu récupérer un peu », raconte Mieke Berendsen. « Heureusement, avec Roularta et Rossel nous avons lancé à cette époque le pack WOW, une combinaison de titres forts. Ça répondait à un besoin manifeste dans le marché et c’est de là qu’est née notre collaboration Magixx. »

Et Kristine Ooms de lever un coin du voile chez De Deeluitgeverij : « À cause de la crise, les annonceurs ont de plus en plus souvent trouvé le chemin de nos plateformes numériques, mais en print aussi nous avons obtenu de jolis résultats avec nos titres niches et notre approche native. »

Enfin, il y a les événements et les extensions de ligne. Pour la première catégorie, les choses sont claires : ils ont fait un grand – ou, tout au plus, un petit – trou dans la comptabilité des éditeurs. Les événements virtuels, l’e-commerce et les offres de livres ont en partie compensé le manque à gagner. Kristine Ooms rend la chose tangible : « Ce n’était pas vraiment la joie quand, la veille de notre E-Bike Test Event – le 14 mars 2020 – nous avons été forcés de tout démonter. Cette année non plus, l’événement n’a pas pu avoir lieu. Au début de l’année, pour quand même encore aider nos annonceurs, nous avons toutefois lancé www.Allesoverebikes.be, un exploit de notre équipe. »

Une partie de la bulle

Les éditeurs retiennent donc surtout les effets positifs d’une pandémie. En deux temps, trois mouvements ils se sont adaptés à la nouvelle situation, sans – dans la majorité des cas – devoir sauter le moindre numéro.

Le fait de resserrer le lien avec le lecteur, surtout, semble constituer une évolution essentielle. Il était déjà solide, mais ces derniers mois il s’est encore raffermi. Dans beaucoup de cas, le titre favori d’un lecteur a aussi fait partie de sa bulle et plus que jamais il a été question d’un lien d’amitié. Si ça n’est pas une base sur laquelle continuer à construire dans les années à venir…

A lire aussi :