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Il se passe quelque chose, aujourd’hui, dans l’enseignement artistique supérieur. Un tas de discussions y font rage, le discours étant quasi exclusivement focalisé sur l’art autonome et la création de l’artiste indépendant. Pourtant, dans les hautes écoles d’art la plupart des étudiants ne suivent pas de formation axées sur les arts autonomes, se préparant plutôt à un rôle dans le monde ordinaire. Je parle alors des arts appliqués, comme l’illustration, le game design, le design graphique et publicitaire, etc. Après leurs études, ces étudiants-là n’intègrent pas le circuit artistique, optant plutôt pour une agence graphique ou publicitaire, ou proposant leurs services en tant qu’illustrateur indépendant, par exemple.
Cette discrépance fut encore exacerbée par l’intégration de l’enseignement artistique dans les universités, faisant suite à la déclaration de Bologne et la création de l’Espace européen de l’enseignement supérieur (EEES, ou EHEA en anglais). La collaboration entre universités et hautes écoles d’art est avant tout l’histoire de chercheurs universitaires et d’artistes autonomes. Pour ne pas être exclus de la discussion autour de l’académisation, les arts appliqués se sont mis à se profiler différemment. Ils souhaitent être équivalents aux arts libéraux ‘traditionnels’ et être aussi libres qu’eux.
Avec un travail visuel qui, en droite ligne, sert des facteurs sociétaux ou propres à l’économie de marché, il semblerait que ce soit devenu un exercice trop compliqué. Le résultat est qu’aujourd’hui, dans l’enseignement artistique, on considère que le design publicitaire crache dans la soupe. La publicité ne peut en effet jamais être pure, au-dessus de tout soupçon, soutient-on.
Là où les formations ‘illustration’ et ‘design graphique’ avaient tourné la page sur leur origine d’acteur dans une structure économique pour se placer sur la même ligne que les arts libéraux, cela s’est avéré impossible pour la publicité. Une publicité sans message étroitement circonscrit n’est tout simplement plus de la publicité. La publicité ne pourra donc jamais compter parmi les arts, conclue-t-on, et est donc laissée pour compte dans les projets de recherche et de doctorat dans les arts.
Par conséquent, les étudiants ignorent plus souvent l’orientation publicité, soit par méfiance, soit par mépris. La publicité n’est pas soutenue par les chercheurs et n’est plus sexy, comme ça a pu être le cas jadis.
Il ne s’agit toutefois pas de savoir si la publicité, c’est de l’art ou non. Ce qui importe, c’est que la publicité domine l’espace publique. Bien plus que ne le font une œuvre d’art dans une galerie ou une affiche graphique dans un centre culturel. L’art est une réflexion sur le monde, et c’est particulièrement précieux, mais son impact pâlit à côté de celui de la publicité.
La publicité emplit, colorie et pollue notre monde, tant hors ligne qu’en ligne. La publicité contribue à alimenter la réflexion, à former les comportements et à perpétuer les opinions et les avis. Directement et indirectement. Quand une grande marque prend position contre le racisme ou les inégalités de genre, cela a une portée qu’aucune performance dans un salon d’art ne pourrait égaler. La publicité a des armes dont un artiste engagé ne peut que rêver. De plus, l’existence des médias dépend presque entièrement de la publicité. Les raisons ne manquent donc pas pour donner une place importante, à ce niveau, à la recherche liée à l’art.
J’entends déjà dire le secteur publicitaire : Nous ne nous occupons pas d’art ici. What’s in it for me?
Si la publicité revendiquait à nouveau sa place dans les écoles d’art en tant que domaine de recherche indispensable, je pense que les étudiants d’art auraient à nouveau une raison d’opter pour la publicité. Du coup, cela signifierait que les agences de publicité disposeraient d’un plus grand vivier dans lequel pêcher. En outre, les talents publicitaires en herbe qui ne se bornent pas à apprendre un métier, mais qui réfléchissent aussi et étudient ce que la publicité représente en tant que réflexion sur le monde, s’enrichissent. Tout compte fait, un bon créatif est quelqu’un qui réfléchit à ce qui l’occupe. Car ce n’est qu’en prenant un peu de recul qu’on parvient à penser en dehors des schémas habituels.
Koen Vanstappen, responsable du design publicitaire chez PXL- MAD et membre du jury du StuMPA
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