Jacques Sys (Sport/Foot magazine) : « Nous mettons en lumière ce qui reste lorsque les lumières du stade sont éteintes »

Le rédacteur en chef est l’huile qui lubrifie les engrenages d’un magazine. Un bel exemple en la matière est Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot magazine. Chose surprenante : ces jours-ci, on ne le trouvera pas à l’Euro de football…

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On raconte des rédacteurs en chef qu’ils pratiquent leur métier avec passion, voire comme des maniaques. Si Jacques Sys est l’archétype de la fonction, cette affirmation est on ne peut plus correcte. Le rédacteur en chef de Sport/Foot magazine a déjà passé l’âge de la pension depuis belle lurette, mais aujourd’hui encore on peut le retrouver chaque jour derrière son bureau à la rédaction à Evere.

On pourrait s’attendre à ce que, confronté à un grand tournoi de football, un rédacteur en chef d’un magazine de sport et de football suive l’action aux premiers rangs, depuis la tribune, mais ce n’est pas le cas pour Sys. « La dernier tournoi que j’ai suivi sur place, c’était l’Euro en Pologne et en Ukraine en 2012 », se souvient-il.

« En tant que rédacteur en chef, mieux vaut assurer les arrières. Il devient de plus en plus difficile, dans ce type de tournois, de faire la différence sur place. On ne pénètre en effet plus jusque chez les joueurs et si on y parvient quand même, on n’a que quelques minutes. Cela vous force par ailleurs à trouver d’autres perspectives. »

Ne pas perdre de vue l’actualité

Implicitement, Jacques Sys évoque ainsi en quoi Sport/Foot magazine diffère des pages sportives de bon nombre de journaux. « Nous voyons plus loin que la lubie du moment », dit Sys. « Si tout le monde regarde à droite, nous ne devons pas avoir peur de regarder à gauche. Cela se traduit par des interviews en profondeur, des commentaires et une mise en perspective, des toiles de fond. Ce que nous faisons met en lumière ce qui reste lorsque les lumières du stade sont éteintes. »

Cette attitude comprend toutefois aussi un risque, à savoir qu’on perde de vue l’actualité. Le lecteur ne l’apprécierait pas. C’est ce que comprend aussi Jacques Sys : « À nos yeux, l’actualité est le crochet auquel nous accrochons nos contributions. »

Une carrière tout entière dans le journalisme hebdomadaire

Cela fait plus de 45 ans que Jacques Sys travaille pour le magazine de sport qui, à l’époque, s’intitulait encore Sport 70 et était publié par Uitgeverij Hoste (l’ancêtre de De Persgroep et DPG Media). Cela représente une carrière tout entière dans le journalisme hebdomadaire. Ce n’était pas son intention, mais la satisfaction n’en est que plus grande. « Je trouve la presse quotidienne très passionnante », dit Sys.

« Cependant, un hebdomadaire vous offre la latitude pour prendre de la distance, apporter de la nuance. En outre, il y a l’évolution intéressante qu’ont connue les médias. Les journaux se sont mis à proposer l’actualité sur Internet et ont évolué avec leur produit imprimé vers un hebdomadaire. Pour nous, cela apporte évidemment son lot de défis. Nous ne pouvons pas céder à la tentation de devenir un mensuel. J’y veille. »

« On ne peut pas devenir intemporel », dit Sys pour marteler l’importance d’un lien avec l’actualité.

« Un moyen de s’adonner au journalisme »

C’est sans aucun doute sa vision univoque qui a fait qu’il occupe le poste de rédacteur en chef depuis si longtemps déjà (1994). Il se sent clairement comme un poisson dans l’eau chez Roularta. « On me laisse travailler et s’il le faut les lignes avec la direction sont courtes », explique-t-il.

C’est important pour lui. On sent que Jacques Sys n’est pas seulement un amateur de sport, mais, avant tout, un homme qui mange, boit et respire le média magazine.  « Il n’y a rien de plus beau que de créer un magazine », dit-il. « Surtout un magazine de sport. Même s’il s’agit de faire attention. Bon nombre de gens deviennent journaliste pour faire partie du sport, là où pour moi le sport est un moyen de s’adonner au journalisme. »

« Nous concentrer sur ce que nous faisons de mieux »

Bien sûr, en ces quelque 27 ans de rédaction en chef, un nombre incalculable de choses ont changé, l’essor de l’Internet formant indubitablement le momentum le plus important. Depuis quelques années, Sport/Foot magazine mise également davantage sur l’information via le Web.

« Notre impact croît à fur et à mesure », peut-on entendre. « Pour nous, c’est un canal supplémentaire majeur. Là où dans le magazine, nous brossons la toile de fond, sur le site nous sommes en mesure de partager l’actualité et les opinions. »

Ce que Sport/Foot magazine a moins, c’est l’envie de prendre de l’ampleur pour s’imposer comme une marque média active sur de nombreux fronts. Ainsi, le titre n’a pas d’événements propres ni de rencontres physiques avec les lecteurs, même si jadis il a organisé le sacre du Footballeur pro de l’année.

« Nous avons appris à nous concentrer sur ce que nous faisons de mieux. Et ça paie. » Sport/Foot magazine a en effet réussi à se construire un lectorat fidèle, et à le conserver. « Nous le devons au fait que nous offrons de la qualité et avons une âme, et que nous projetons aussi tout cela », conclut Jacques Sys en citant les ingrédients du succès.

Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Voetbalmagazine

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