Une année sans Salon de l’Auto : comment faire ?

Dans une année ordinaire, des milliers de visiteurs déambuleraient dans les palais du Heysel à l’occasion de la 99e édition du Salon de l’Auto. La pandémie du corona en a toutefois décidé autrement. Comment les annonceurs auto gèrent-ils une année sans salon ? Et comment les entreprises média s’en inspirent-elles ?

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En lançant d’innombrables plateformes et showrooms digitaux, des systèmes de (vidéo)chat et des expériences ‘phygitales’ ; c’est ce que nous apprend un bref tour de table auprès des marques automobiles.

Chez Mazda, outre un showroom digital il y avait par exemple la ‘Mazda Drive Thru Experience’, qui a permis aux visiteurs d’effectuer un parcours dans leur voiture tout en se familiarisant de près avec les tout derniers modèles. Chez D’Ieteren Auto, qui commercialise des marques comme Porsche, Audi et VW, c’est surtout l’initiative ‘Porsche Next’ qui saute aux yeux, présentée comme ‘le salon automobile de demain’.

Il s’agit d’une plateforme premium interactive qui invite le visiteur à découvrir toute la gamme Porsche jusque dans les moindres détails. La marque automobile s’est distinguée en utilisant de vraies voitures plutôt que des modèles en 3D. Pour Skoda et Seat, le groupe a imaginé, respectivement, Skoda Tower et Virtual Seat, des expériences salon numériques qui permettent d’admirer les modèles à 360°. Quant à Audi et Volkswagen, ils ont transformé leur site Web en plateforme entièrement placée sous le signe du salon automobile numérique.

José Fernandez, Chief Customer Experience Officer, CMO & CDO chez D’Ieteren Auto : « Outre une expérience digitale ou interactive, notre stratégie se fonde sur l’installation d’un chat et vidéochat sur tous les sites Web de marque, et ce, en collaboration avec Vee24. Sur chaque site Web, les visiteurs peuvent adresser toutes leurs questions à nos experts, de 8 heures du matin à 10 heures du soir. En outre, les clients peuvent découvrir les nouveautés chez les revendeurs en direct et sur rendez-vous. Il est trop tôt pour les chiffres complets, mais en fonction de la marque et par rapport à l’an dernier nous constatons une augmentation de l’audience sur les plateformes digitales de 20 à 30 %. »

Les investissements BMW: les plus élevés

De toutes les marques, les investissements consentis par BMW Belux semblent être les plus élevés. Jusqu’au 8 février, l’enseigne mène une offensive placée sous le signe de ‘BMW goes phygital’. « Il s’agit de composantes numériques et physiques qui se renforcent mutuellement », explique Ewoud Van der Heyden, Directeur marketing chez BMW Belux.

Le constructeur automobile a érigé un gigantesque showroom à Bornem, dans l’ombre de son QG, permettant aux consommateurs de découvrir en direct – et en toute sécurité corona – les 23 innovations que lance le groupe cette année. BMW Belux se servira principalement de cet espace, qui ressemble à un stand au Salon de l’Auto, comme d’un studio pour créer des contenus numériques sous forme de clips dédiés aux innovations, à l’histoire de la marque, etc.

En outre, le site Web de BMW a été transformé en une plateforme numérique, le constructeur automobile fournissant toutes les informations qu’en temps normaux il diffuse au Salon de l’Auto. « Nous avons investi beaucoup de temps et de moyens dans la mise au point des configurateus sur les sites Web. Quiconque compose son propre véhicule et marque son accord, sera ensuite contacté par le revendeur le plus proche », explique Ewoud Van der Heyden.

Les 72 revendeurs du groupe jouent en outre un rôle important dans la stratégie : « Nous croyons que la dernière étape dans l’entonnoir de vente se trouve toujours chez les concessionnaires », dixit Van der Heyden.

Spéciale print multi-marques

On dénombre beaucoup de plateformes numériques chez les annonceurs et le besoin de trafic qui est y acheminé se fait donc ressentir plus que jamais. Le 13 janvier, Roularta a lancé une édition print spéciale grand format de 100 pages. Celle-ci est distribuée aux abonnés via les différentes marques magazine. Au programme, on trouve un aperçu de tous les lancements, un dossier sur la conduite électrique, les tendances générales en mobilité, etc. Le tirage s’élève à 200.000 exemplaires.

« Cette édition spéciale auto est une primeur pour Roularta, car c’est la première fois que nous distribuons un magazine print multi-marques », dixit Philippe Belpaire, General Manager de Roularta Media. « En outre, nous ne l’envoyons qu’aux abonnés qui sont intéressés par les voitures, et ce, sur base de nos données lecteurs, dans lesquelles nous avons lourdement investi ces dernières années. Ensuite, nous avons ajouté la spéciale dans les applis de tous les magazines concernés. Nous avons aussi rendu la version print interactive avec un code QR pour chaque marque automobile qui faisait de la publicité. Le code renvoyaient alors à une vidéo en ligne dans laquelle était présenté le modèle en question. »

Selon Belpaire, les investissements dans le secteur automobile chez Roularta sont positifs comparés à la même période l’an passé ; stables pour le print et en hausse pour le digital.

Showrooms digitaux

ProduPress a investi dans une plateforme supplémentaire sous forme de showroom digital, recueillant entre autres l’ensemble des tests sur les nouvelles voitures effectués tout au long de l’année par les journalistes. La plateforme temporaire restera en ligne jusque début mars et constitue une addition aux autre plateformes numériques et aux trois spéciales print qui, traditionnellement, paraissent chez ProduPress à l’occasion du Salon de l’Auto.

« L’annulation du Salon de l’Auto a eu relativement peu d’impact sur les investissements des annonceurs automobiles majeurs dans nos titres », dit Thierry Hottat, Marketing Manager chez l’éditeur, spécialisé dans le secteur automobile. « Nous constatons par contre qu’aujourd’hui, de ‘petites’ marques qui, avant, ne faisait pas de publicité chez nous viennent frapper à notre porte. C’est dû, bien sûr, au fait qu’ils cherchent un autre moyen pour obtenir la visibilité que leur confère normalement leur stand. »

Ensuite, l’éditeur note un glissement accéléré des investissements vers le digital. « La période d’incertitude dans laquelle les choses peuvent rapidement évoluer, est à l’avantage de l’on-line », dit Hottat. « En print, il est plus difficile d’embrayer plus rapidement. »

Modèles de génération de leads

Et Karina Jacobus, Sales Director chez ProduPress, d’ajouter : « Nous travaillons aujourd’hui aussi davantage sur les phases plus profondes dans l’entonnoir de vente. Pour ce faire, nous avons entre autres mis en place des programmes de génération de leads avec plein de liens vers les revendeurs. Avant, nous travaillions principalement sur la notoriété et la considération. En tout cas, le potentiel est présent, car un sondage auprès des visiteurs et lecteurs a révélé que 87 % de nos visiteurs ont des intentions d’achat. L’an dernier, sur nos plateformes, nous avons réussi à détecter 195.000 visiteurs en phase d’achat. C’est quatre fois plus que l’année avant. »

La génération de leads est également un des objectifs de l’initiative DPG Media HLN Drive, une plateforme en ligne similaire à celle de ProduPress. Elle offre un aperçu assez complet des modèles des marques auto. Lancée en décembre, elle restera en ligne pendant un an. Sur base d’une courte enquête, le visiteur est aiguillé vers la plateforme, où il se voit ensuite proposer une sélection personnalisée de nouvelles voitures. Moyennant un ‘fee per lead’, les leads sont alors transmis aux concessionnaires.

« La plus grande différence avec notre plateforme se situe dans le fait que, depuis toujours, nous sommes spécialisés dans l’écriture dédiée aux voitures », dit Thierry Hottat. « HLN Drive va générer plus de trafic vers sa plateforme, mais dans la phase qui importe vraiment le consommateur partira quand même en quête d’un conseil sur une plateforme spécialisée. »

Vers un modèle hybride ?

Les annonceurs avec lesquels nous avons discuté sont heureux de se voir offrir ces possibilités additionnelles pour générer du trafic supplémentaire vers leurs propres plateformes et revendeurs, mais dans leurs investissements média ils n’ont pas ouvert tous les registres. Ewoud van der Heyden :

« En cette période, nous sommes présents sur les plateformes numériques de DPG Media et ProduPress, mais pour générer du contenu et des leads nous préférons utiliser nos propres canaux, parce que nous sommes en mesure d’y orienter le processus par nous-mêmes. Les règles RGPD compliquent une utilisation correcte des leads générés par un tiers. »

Même son de cloche chez José Fernandez :

« Nous utilisons les canaux des partenaires média pour créer plus d’audience vers nos plateformes, mais nous ne prenons pas part activement aux showrooms digitaux de DPG Media et ProduPress. Nous préférons nous focaliser sur nos propres plateformes virtuelles. Le lancement des showrooms digitaux des partenaires média est arrivé un peu trop tard pour nous. »

Pour conclure, nous pouvons affirmer qu’une année sans salon automobile a accéléré le glissement de budgets vers le digital. En outre, les discussions avec annonceurs et éditeurs ont révélé qu’à l’avenir, des choses qui, aujourd’hui, sont testées pour la première fois, pourraient fort bien devenir monnaie courante.

« Je suis convaincu que certaines initiatives lancées et testées cette année reviendront l’an prochain, même s’il y aura à nouveau un Salon de l’Auto physique », conclut Philippe Belpaire. « Nous nous orientons vers un modèle hybride, avec, d’une part, le salon physique et, d’autre part, les initiatives virtuelles qu’on a pu découvrir pour la première fois cette année. »

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